21 sept. 2019

La théorie de la connaissance de Emmanuel Kant

Faire la lecture de la critique de la raison pure c’est penser la paix sur le terrain de la métaphysique jusqu'alors empreint de dogmatisme et de scepticisme. Dans son projet de procéder au jugement de la raison dans ses prétentions spéculatives, Emmanuel Kant élabore une théorie de la connaissance dans laquelle il prend en compte non seulement la connaissance du sensible donc matérielle, mais encore théorique ou pure. Dans les préfaces il débute exposant sont projet de critiquer la raison afin de connaître son potentiel, comment on peut l'user en prenant en compte ce qu'il faut savoir. Effacer les erreurs de la raison. Mais la raison spéculative, réfléchissant toujours sur des notions (qui s’imposent à nous comme existants) qui semblent le jeter dans des vagues de jais, est en contradiction dès qu'elle quitte le monde de l'expérience. Par sa prétention de tout connaître a priori elle s'est mise dans le couloir de suspicion sur sa faculté de connaître. Kant essaie donc de trouver une voie sûre où la raison s'épanouirait avec la certitude qu'exige une connaissance scientifique. Pour cela, hors des prétentions de la raison, il y a le monde de l'expérience. Et ceci, toutes les branches qui ont pu y accéder ont tiré leur objet de celui-ci. Il prend comme exemple la logique et les mathématiques comme des disciplines ayant pu accéder à des savoirs à titre scientifiques malgré leur recours à l’abstraction. Or l’une des visées précise de son travail est de savoir si un savoir sans sensibilité est possible et de savoir son rôle dans l’élaboration de la connaissance. Ainsi la raison doit observer et expérimenter. La chose telle qu'elle est hors de nous même, chose en soi, est en ce sens inaccessible, le domaine nouménal. Mais la chose comme phénomène, accaparée par la raison, est sujet de connaissance, le domaine phénoménal. Les phénomènes prennent donc forme par l'autorité de la raison, non comme élève mais juge. Cela nous mène à castrer le speculum de la raison : une limite de la raison spéculative au monde de l'expérience. On ne peut connaître que ce qui est dans le sensible mais cette limite, dégradante du point de vue de la liberté de la raison, est nécessaire pour sa montée sur le terrain de la science. Autrement on ne peut que croire et penser. Comme pour les idées de Dieu et de liberté. Une certitude à leurs endroits est impossible étant hors de l'expérience et pensée pure. La limite de la raison à un objet propre prenant en compte le monde extérieur est donc une voie propice pour la raison sur le terrain de l'objectivité. Mais si comme il l’a tantôt avancé dans les préfaces, n’est-il pas possible d’avoir des idées pures ? C’est-a-dire exempt de sensibilité. Toute connaissance dérive-t-elle entièrement de l’expérience tant que dans un cadre ontologique que dans un cadre épistémique ? Autrement dit, une métaphysique est-elle possible ou essentielle sur le terrain de la connaissance ? Que faut-il alors retenir pour comprendre le système que propose Kant pour résoudre ou ordonner le problème de la connaissance aux deux niveaux précités ?

Tout d’abord il faut se souvenir que les critères pour parler de connaissance a priori ou pure chez Kant sont l’universalité et la nécessité. Ce qui fait que ça doit être nécessairement ça, n’importe où et pour tous. Dès l’introduction du livre Kant parle de deux types de jugements : le jugement analytique qui énonce sur l’objet sans apporter rien de nouveau à son concept. Par exemple quand on dit LE CHAT EST UN ANIMAL ceci est analytique pour le fait même que l’idée du CHAT implique nécessairement le thème d’animal et qu’on n’a pas besoin de connaitre tous les chats pour l’affirmer. Ce type de jugement ne pouvant faire progresser la science, le savoir, ne parait donc pas suffisant; le jugement synthétique a posteriori qui apporte un élément de plus au concept pour son appréhension. Autrement dit le prédicat n’est pas englobé dans le concept. Quand on dit, pour reprendre le même exemple du chat, CE CHAT EST NOIR. Le concept de CHAT ne renvoie pas nécessairement à la couleur noire. Le jugement est synthétique mais a posteriori car cet énoncé doit être vécu nécessairement dans l’expérience. L’expérience nous permettra de savoir un élément particulier sur les chats, le fait que tous les chats ne sont pas noirs. Ne visant qu’un particulier dans le concept de CHAT elle n’est pas UNIVERSELLE et n’est pas pur car nécessitant l’expérience de voir les CHATS de couleurs différentes pour affirmer cet élément distinctif. On comprendra synthétique pour le fait que l’idée s’applique où s’expérimente pour en affirmer la certitude. D’où le jugement synthétique a posteriori. D’où aussi l’opportunité de permettre à la métaphysique d’immiscer le terrain de la connaissance en conservant son espace, le pur, l’exempt de sensibilité. Pourquoi ? Parce que si ce type de jugement peut participer à l’extension de la connaissance, quelle serait le résultat avec un jugement synthétique a priori ? Le fait tout simplement que des connaissances soient possibles hors du concours de l’expérience, comme les mathématiques. Et pour la suite, qu’en est-il ?

Remarquons que pour essayer d’aller simple, puisque nulle prétention de synthétiser sa pensée ne nous anime, on a omis quelques éléments cependant qui ne nuiraient notre introduction à la pensée de la connaissance de Kant dans la Critique de la Raison Pure. Ainsi préparé on peut parler des plus complexes exposés dans le livre. L’Esthétique transcendantale, qu’on doit comprendre par rapport au fait que le mot esthétique renvoie étymologiquement au sensible, et que le transcendantal revoie au dépassement de ce dernier, ce qui vient avant, ce qui renverrait aux conditions de possibilité du sensible, de l’expérience. C’est un combat du dedans et du dehors. Moi et ce que je vois, la chose qui m’impose son être comme présent. Un coup d’œil chez Heidegger, admirateur de Kant, nous montre que l’Homme, étant dans l’incapacité de savoir les choses par rapport à elles, s’accapare du monde. Comment le comprendre ? Tout s’explique par ce que nous avons relaté plus haut : le in se. Ce qui est en soi. La chose étant refermé sur elle-même elle ne s’offre jamais à moi mais comme étant déjà, elle est là comme un être qui est là. Or si chaque chose renferme en soi son identité, elle devient impossible à nous de la trouver afin d’en faire une connaissance puisque jamais elle ne s’offre, on ne pourrait alors atteindre son être intime. C’est ce qu’on pourrait appeler le tournant copernicien de Kant. La chose, se réservant, et l’Homme, sujet affecté par sa présence, voulant la faire sienne par sa connaissance n’a d’autre choix que prendre ce qui ne veut se donner et sans quoi il serait étranger à ce qui est hors de lui et sa conscience. La connaissance doit alors cesser de concevoir la connaissance à partir de l’objet qui m’affecte mais plutôt par rapport au sujet qui est affecté, comment il le vit, comment il l’expérimente. D’où peut-être une explication du « l’Homme est la mesure de toute chose » de Protagoras. C’est l’homme qui construit la connaissance. Aussi pourrons-nous dire, selon Kant que « nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes ». C’est dire alors que le processus de connaissance est à la limite du pur. Avant tout, comment connaissons-nous ? D’abord nos sens, qui ont une fonction de mise en contact avec le dehors, les objets hors de nous, du sujet affecté (le phénomène).

L’imagination formalise la représentation imagée et l’entendement à pour fonction la formation des concepts à partir de l’image reçue.  Le contact avec le dehors est appelée intuition empirique, les formes, les modalités de l’intuition pure ou a priori est donc l’ensemble des conditions qui sont requises pour parler de connaissance. Là est toute l’affaire.
Il y a les choses que je peux connaitre subjectivement et les conditions de possibilités de ces choses, objets, comme potentiel savoir. Les choses qui m’affectent sont l’affaire de l’intuition empirique ou sensible mais la connaissance de ces choses supposent des conditions, c’est alors l’a priori, l’avant expérience, ou même ces conditions sans quoi la connaissance serait impossible. Ces conditions sont l’espace et le temps. Nul objet, nulle chose, sans espace et temps car tout objet est toujours dans un lieu spécifique et dans un moment précis. Ce qui affirme dans le cadre ontologique, la pensée est la source de la connaissance et infirme l'affirmation humienne sur la question des sens comme source de la connaissance or que chez Kant ils n'ont qu'un rôle de mis en contact. Pour Kant, “ le temps n’est pas un concept empirique qui dérive d’une expérience quelconque ”. Le temps est exposé comme la manière de paraitre de ce qu’on perçoit, une forme d’organisation de ce que je perçois comme pluralité (l’ensemble des expériences ou affectations vécues comme diversité de la chose ayant grosseur, couleur ou autres) en unité de perception. Ainsi le temps est purement subjectif, n’existe que dans le sujet, c’est, comme dit Kant, l’intuition de nous-mêmes et de notre état intérieur ”, notre façon de vivre les choses en restant conscient par le fait de l’avant, de l’après et de la simultanéité par rapport à maintenant (la successivité comme essence du temps). . Il est unique, subjective (n’appartient pas aux objets, n’existe pas en dehors du sujet), il est la condition a priori de tous les phénomènes car étant une intuition accolée à la conscience. L’espace quant à lui est la condition a priori des phénomènes extérieurement. Ce qui explique le fait que le temps est subjectif, n’existe que pour le sujet car le sujet vit les choses par rapport à l’ordination du temps, en dehors de celui qui pense il n’y a que du là. Ce là c’est la condition des choses à l’extérieur a priori, l’espace. Ce qui permet la permanence de la conscience des choses accumulées en permanence, ordonnées par le temps qui se rapporte à la conscience primordiale, la conscience de soi, l’aperception attachée à la conscience du sujet. C’est-a-dire le fait de l’avant su, la chose là. Cette permanence qui accompagne le JE SUIS qui fait que je synthétise le savoir est l’appréhension, ce qui fait que je le produise se nomme production, et par rapport aux deux précédents qui sont l’œuvre de l’imagination transcendantale, ce qui fait que je m’en souviens et que tout de la connaissance progresse par son apposition dans le cadre synthétique afin de faire progresser le savoir est la recognition. Le passé est maintenu en conscience passivement pour éviter de recommencer à chaque fois. Ces trois facteurs favorisent la connaissance en extension et en permanence. Le tout est l’aperception. 

Après ce long chemin parcouru, un dernier élément est à soulever chez cet auteur souvent pris comme difficile à lire. Connaitre fait appel à des élément essentiel qui sont des concepts purs de l’entendement : les Catégories. C’est le tableau, la grille dans laquelle tout objet passe dans le cadre de son jugement pour l’élaboration de la connaissance. Telles sont-elles :
La quantité : tout objet à un aspect quantitatif (Unité, quantité, totalité, partie…) ;
La qualité : elle peut être limitée ou non, revêtir une négation, être une réalité ;
La relation : si elle est cause, si elle dépend de, si la chose est agent ou pas :
La modalité : possible ou impossible, existante ou non, nécessaire ou contingente